Connivence #2, Mondes à l'envers, Patrick Neu | Dans ce deuxième volet de la série Connivence initiée en 2010, le Musée de l’Image a choisi de mettre en lumière les images des Mondes à l’envers et les œuvres de l’artiste Patrick Neu.
De ces deux sujets, qui pourraient sembler éloignés, le musée crée une rencontre, suscite le regard d’un artiste contemporain sur des images anciennes et sur un thème étonnant né au 16e siècle… En connivence.
Les images du Monde à l'envers
Les maisons éclairent le soleil et la lune, Le cheval monte l’homme, L’ours fait danser son maître…
Dans les images des Mondes à l’envers, tout est possible… Mais un instant seulement, et pour mieux revenir à la normalité ensuite. En effet, le climat du 19e siècle est un climat de contraintes : l’État, quels que soient ses représentants, ou encore l’Église, édictent chaque jour des règles visant à limiter le « libre-agir » des citoyens. Comme le Carnaval, le thème des mondes renversés apparaît alors aux imagiers et aux artistes comme un moyen de publier des images « folles », une manière pour les pouvoirs en place de tolérer temporairement le désordre, la transgression des règles.
Mais, plus que le Carnaval, il semblerait que ces images soient nées d’une toute autre tradition, celle de la contestation masquée. Au-delà des amusants « cochons saignant le charcutier », certaines des situations montrées – femmes battant les maris, faisant l’armée, enfant se rebiffant contre les maîtres – montrent que des changements se profilent à l’horizon, que les révoltes sont dans l’air, qu’elles font peur…
Par ce thème des mondes renversés, avec des images insolites, parfois drôles mais souvent complexes, le Musée de l’Image propose surtout une lecture de la société du 19e siècle, étudie l’évolution des rapports sociaux entre homme et femme, entre homme et animal… un bouleversement où l’envers et l’endroit, quelques fois, se rejoignent.
Les œuvres de Patrick Neu
En vis-à-vis des images des Mondes renversés, le musée expose les œuvres de l’artiste contemporain Patrick Neu, des œuvres d’art, par essence immuable, réalisées avec des techniques ou sur des supports éphémères ou d’une fragilité extrême.
Patrick Neu est un artiste dont le travail intègre excellemment et sans nostalgie la tradition. Ainsi, ses œuvres utilisent les techniques d’un artisanat d’art ancestral, la cristallerie, la sculpture sur os ou sur bois, dans ce qu’il a de plus magique et créateur… Dans le gantelet et le masque en ailes d’abeilles, on retrouve la patience, le savoir-faire méticuleux des plumassiers, des marqueteurs… avec de surcroît, une dimension permanente vers la démesure ; non pas une démesure de taille mais d’ambition. L’œuvre ne veut servir rien sinon la certitude que tout est possible même l’impensable.
Par ses références qui affleurent en permanence, même si ses œuvres sont tout à fait singulières et neuves, Patrick Neu mène un projet de connivence de facto. Connivence entre la Descente de croix de Rubens et son image en noir de fumée dans un verre à pied, entre une estampe japonaise et sa reproduction sur une aile de papillon bleue...
Les liens les plus improbables qu’il impose entre une matière, cristal, ailes diaphanes, si fragile, et l’objet réalisé, armure, gantelet, masque, crâne… martial et insensible, nous étonnent. L’œuvre réussit à être entre-deux, à nous déstabiliser et donc à nous faire franchir une limite dans notre regard et notre entendement, dépassement bienvenu…
Les anges, à mi-corps et aux ailes déployées, qui se groupent côte à côte, formant le cadre rond d’un miroir et regardant leur image de leurs yeux noirs brulés, qui sont-ils ? Narcisse admirant son reflet inversé et scintillant – mais Narcisse est unique. Des anges de retables dans un Monde à l’envers où les figures ne regardent plus vers les hommes mais ne sont préoccupés que par elles-mêmes ? Anges maudits donc, les plus beaux. Et notre image à nous qui vient se loger entre eux sur le miroir, l’artiste souhaite-t-il qu’elle prenne place dans cette ronde qui pourrait, somme toute, devenir infernale ?
Patrick Neu est en 1963. Il vit et travaille à Wingen-sur-Moder. Diplômé de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, il est actuellement représenté par la Galerie Marion Meyer Contemporain, Paris.
Le monde renversé (titre factice), taille-douce coloriée au pochoir, entre 1802 et 1821, Jean, Paris, Coll. Musée de l’Image, Épinal
En lien
> Galerie Marion Meyer Contemporain
L'expo en quelques dates
> Du 18 juin au 2 novembre 2011